COMPAGNIE DE VENTE D'OR EN POUDRE MINEROR

HISTOIRE D'OR EN AFRIQUE DE L'OUEST

HISTOIRE DE L'OR EN AFRIQUE DE L'OUEST (MINEROR)

 



 
 

 

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Un mineur d’or au Ghana

Un gisement d’or enterré sous une étendue de brousse vaste et aride traverse certains des pays les plus pauvres au monde. Là où le minerai est riche, les mines industrielles l’exploitent. Là où il ne l’est pas, ce sont les pauvres qui passent la terre au crible. Parmi ces mineurs misérables se trouvent plusieurs milliers d’enfants. Ils travaillent de longues heures à des travaux souvent dangereux, dans des centaines de mines primitives éparpillées dans la brousse ouest-africaine. Certains sont à peine âgés de quatre ans. Au cours d’une enquête qui s’est déroulée sur une année, l’Associated Press a visité six de ces mines dans des pays d’Afrique de l’ouest et interviewé plus de 150 enfants-mineurs. Les journalistes d’Associated Press ont vu l’or extrait par les enfants acheté par les commerçants itinérants. Et, via des interviews et des documents des douanes, retracé le chemin du métal jaune sur 5000 km, via la capitale du Mali, jusqu’en Suisse, où il entre sur le marché mondial.

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Des enfants au travail dans une mine

 

 

La plupart des mines artisanales ne sont guère plus que des trous dans le sol, mais il en existe des milliers, en Afrique, en Amérique du Sud et en Asie. Réunies, elles produisent le cinquième de l’or dans le monde, selon les Nations Unies. Et là où on trouve ces mines, on trouve aussi des enfants qui y travaillent, selon ces mêmes rapports de l’ONU et des experts. Si vous portez une bague en or, écrivez avec un stylo à plume en or, ou avez de l’or dans votre portefeuille d’investissements, il se peut que votre vie soit liée à ces enfants. L’un d’entre eux s’appelle Saliou Diallo. Il est âgé de 12 ans et mesure moins de 1,20 mètre. Saliou et ses amis, Hassane Diallo, âgé de 12 ans (pas de la même famille), et Momodou Ba, âgé de 13 ans, ont quitté l’école, en 2005, lorsque le seul instituteur de leur village de Guinée est parti. Ils sont partis travailler dans les champs de leurs pères. En 2007, les cours de l’or ont atteint leur record depuis vingt-six ans, et un étranger a abordé les enfants. Ils racontent qu’il leur a proposé de les emmener dans un endroit de l’autre côté de la frontière, au Sénégal, leur disant que l’argent s’y cachait sous terre. Les prix élevés de l’or, ces sept dernières années, ont attiré un nombre croissants de pauvres, y compris des enfants, dans ces mines artisanales. L’agence pour le travail des Nations Unies estime qu’il y a maintenant entre 100000 et 250000 enfants-mineurs rien qu’en Afrique de l’ouest. Le recruteur de Saliou et de ses amis leur a promis deux dollars par jour. Ce qui semblait beaucoup d’argent à des enfants qui n’en avaient pas du tout. Dans une région où les enfants âgés de quatre ans transportent de l’eau et s’occupent des chèvres, on attend des garçons de l’âge de Saliou qu’ils gagnent de l’argent pour leur famille. Le Sénégal interdit les travaux dangereux aux moins de 18 ans, et le travail de la mine est l’un des plus dangereux. Mais les lois sont rarement appliquées. Saliou a fait ses bagages, a posé son ballot de vêtements sur sa tête et s’est éclipsé avant l’aube.

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Des paillettes d’or

Le recruteur a fait marcher les trois garçons pendant une semaine, sur plus de 160 km. Les lanières de leurs sandales en plastique s’incrustaient dans leurs chevilles jusqu’à ce que leurs pieds gonflent. Les garçons ont entendu la mine avant de la voir, le bruit des marteaux transformant les cailloux en poussière. Les herbes hautes avaient été coupées. A leur place s’élevaient des centaines de huttes en forme de cône avec des toits d’herbe séchée. Tenkoto, autrefois une tête d’épingle dans le paysage, s’était transformé en village d’orpailleurs, hébergeant 10000 personnes. C’est là que les journalistes d’Associated Press ont rencontré les garçons, vivant dans ces huttes où ils dormaient, coincés entre des adultes, sur de simples matelas. Toutes les nuits, avant de s’endormir, Saliou essaie de se souvenir d’un verset du Coran. Il ne sait pas ce que les mots signifient, mais on lui a dit qu’ils le protégeraient.

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Momodou Ba est âgé de 13 ans. Il verse du mercure directement dans sa main pour extraire de l’or, à la mine de Tenkoto, au Sénégal

A dix kilomètres du village, des hommes et des adolescents, dont certains sont âgés de 14 ans, descendent dans des puits à 30 ou 50 mètres de profondeur. Les puits sont de la taille d’un homme. Les adolescents plus jeunes remontent les pierres avec une poulie. Le patron de Saliou achète des sacs de gravier à ces hommes. La terre a déjà été passée au crible, mais il reste en général quelques miettes de métal précieux. Les garçons comme Saliou et ses amis se relaient à différentes tâches pour récupérer ces miettes. Ils poussent des wagonnets de terre sur des chemins défoncés, concassent la terre avec des pilons de bois pendant des heures jusqu’à ce qu’elle soit aussi fine que de la farine. Ils la rincent dans une vaste tamis. Puis ils s’accroupissent près d’une bassine en plastique, versent du mercure dans leurs mains nues, et le frottent dans la boue comme une femme ferait la lessive sur des rochers. Le mercure attire l’or comme un aimant. Mais il attaque aussi le cerveau et peu provoquer des tremblements, des problèmes d’élocution, des maladies rénales, et rendre aveugle. De la bassine de Saliou sort une bille argentée de la taille d’un M&M. Il la donne à son patron, qui relève ses lunettes de soleil pour l’examiner. Puis il la chauffe sur un feu de charbon pour que le mercure s’évapore, laissant derrière lui une particule d’or. Toucher le mercure est dangereux, mais respirer ses émanations est encore pire. Les enfants ne le savent pas. Ils se pressent pour regarder la minuscule pépite d’or, alors que son enveloppe argentée s’évapore lentement. A l’heure du repas, Saliou se lave les mains dans une mare boueuse où les résidus de mercure ont été déversés. Il prend une poignée de riz à pleines mains avant de se lécher les doigts.

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Le soir, le patron de Saliou se faufile entre les huttes où des femmes font cuire du chou et allaitent des bébés en sueur. La paillette d’or que les enfants ont extraite de la boue est dans la poche de son jean. Un acheteur attend dans une échoppe obscure, ses balances posées sur une table en bois. On distingue les acheteurs d’or des mineurs à leur vêtements propres et à leurs balances. Ils offrent tous le même prix pour un gramme d’or, environ 19 dollars. L’or se mesure en onces, chaque once équivalant à 31 grammes. Ces acheteurs avancent de l’argent aux mineurs pour acheter les outils et les sacs de terre. En échange, ils ont priorité sur le métal extrait par les orpailleurs. Le patron de Saliou explique être fidèle à un marchand nommé Yacouba Doumbia, qui lui a donné son capital de départ. Yacouba Doumbia dit qu’il lui faut plus d’un mois pour rassembler près d’un kilo d’or, qu’il cache cousu dans ses vêtements. L’or quitte le campement des orpailleurs, à l’aube, sur une moto. Il voyage quatre jours jusqu’à Bamako, capitale du Mali. Les convoyeurs expliquent que le voyage est dangereux. Certains portent des armes. Ils empruntent des routes secondaires, jamais la route principale. Les motos arrivent en ville depuis des centaines de mines situées sur les gisements aurifères. Et l’or se retrouve dans cinq bureaux installés près de la place centrale. Car les intermédiaires comme Yacouba Doumbia sont quasiment tous affiliés à l’un des cinq "barons" qui tiennent le marché de l’or à Bamako : Fantamadi Traoré, Fabou Traoré, Sadou Diallo, Boubacar Camara et El Haj Moussa Diaby, dont les affaires sont désormais gérées par son fils, Fodé Diaby. Yacouba Doumbia a reçu ses fonds et sa moto de Fantamadi Traoré. Ils viennent du même village malien. C’est donc comme s’ils étaient de la même famille. Fantamadi Traoré a recruté plus de 70 acheteurs, la plupart de son village, qui ont investi Tenkoto. "Tout l’or qui quitte notre village est destiné à cet homme, au Mali", déclare Bambo Cissokho, le chef de village de Tenkoto. Les acheteurs de Fantamadi Traoré viennent jusqu’à chez lui, à Bamako, et lui remettent l’or, enfermé comme des épices dans des sachets en plastique transparent. Le poids d’or, et le nom de l’acheteur sont marqués sur un Post-It. Puis l’or rassemblé est fondu dans un four extérieur et versé dans un moule pour former un lingot artisanal. Les journalistes d’Associated Press ont pu observer les intermédiaires monter leurs Post-It à l’étage, dans le bureau de Fantamadi Traoré où des rideaux recouvrent les fenêtres, et où le quinquagénaire barbu mâche des noix de kola devant un écran de télévision sur lequel s’affichent les cours de l’or sur les marchés mondiaux. Les hommes de Fantamadi Traoré paient les intermédiaires en plongeant dans un coffre-fort rempli de francs CFA et de dollars américains. Le prix de l’or de Tenkoto est de 22,4 dollars le gramme, soit 3,4 dollars de plus que ce que les intermédiaires l’achètent aux mineurs. Un courtier faisant une livraison classique d’un kilo touche donc 22400 dollars, dont 3400 de bénéfices. De retour à la mine, les poches pleines de billets, ils rachètent du métal. Et le cycle continue, le même dans toutes les mines de toute l’Afrique de l’ouest où travaillent les enfants.

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Vue de Bamako, au Mali

Les enfants voyagent de mine en mine, se déplaçant avec l’or : six mois après l’arrivée de Saliou et de ses copains à Tenkoto, leur patron a décidé que la mine ne rapportait plus guère. Et le groupe de repartir, marchant pendant plus d’une semaine, franchissant la frontière, jusqu’à une autre mine, à Hamdalaye, au Mali. Là, l’or est vendu à un autre acheteur, mais fait quand même le voyage en moto jusqu’à Bamako, pour être vendu à un autre des cinq barons, Sadou Diallo. Ces grossistes, à leur tour, envoient leurs lingots vers un bâtiment orange décrépi de Bamako, et plus précisément le Bureau numéro 207. Les murs sont tachés, les couloirs sentent mauvais et des tentures bloquent la lumière, mais la saleté des locaux cache mal le fait que des millions de dollars transitent par les bureaux d’Abou Ba. Entre le Mali et le Sénégal, on compte des centaines d’acheteurs d’or et cinq "barons". Mais il n’y a qu’un homme qui y a les papiers, l’argent et les relations pour exporter l’or de brousse vers l’Europe. Une étude des documents des douanes maliennes sur cinq ans effectuée par l’Associated Press a confirmé que seul Abou Ba (ou Bah) sort régulièrement de l’or du pays. Et les cinq "barons" disent tous lui vendre leur minerai. "Il a les moyens pour le sortir. Nous on a pas", explique Fabou Traoré, qui lui vend environ 80 kilos d’or par mois. "On n’a pas le choix", ajoute Fantamadi Traoré. Sadou Diallo, qui montre un reçu récent d’Abou Ba pour un montant de 194000 dollars, explique que ce dernier a travaillé pendant longtemps avec les Occidentaux. Sortir l’or du Mali coûte cher. Le gouvernement l’impose à 11 dollars le kilo, auxquels viennent se rajoute 6 % de taxes à l’aéroport. De la brousse au marché mondial, l’once d’or pur augmente d’environ 380 dollars. Abou Ba, âgé de 50 ans, reconnaît que tout son or vient de ces mines, y compris de Tenkoto et Hamdalaye, où les journalistes d’Associated Press ont vu des enfants travailler. Mais il se ferme lorsqu’on lui en parle. "Nous ne vivons pas en brousse. Nous n’avons donc rien à voir avec le travail des enfants", déclare le commerçant, qui ajoute n’avoir non plus jamais visité les mines. "Nous ne faisons qu’acheter l’or".

 
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Un enfant travaille à la mine d’or de Djikouloumba, en Guinée

Le filon d’or s’étend sur 100 km, dans le nord de la Guinée. Des centaines de mines artisanales s’y entassent autour des villes de Siguiri et Kankan. Selon un expert minier des Nations Unies, qui a inspecté la région quelques mois après la visite de Marc Arazi, les enfants y représentent 10 % à 20 % de la main-d’oeuvre. L’expert y a également fait état d’effondrements mortels dans des puits construits à la hâte, d’absence d’hygiène et d’une pauvreté extrême. En avril, un journaliste d’Associated Press y a vu des centaines d’enfants au travail. Le filon est plus riche ici, évitant aux enfants de devoir utiliser du mercure. Ils restent debout, dans des trous boueux, sous un soleil de plomb, et récoltent l’or dans la boue. Nombre de ces enfants-mineurs sont des filles, qui commencent à l’âge de quatre ans comme apprenties, et deviennent travailleuses à plein temps avant l’âge de dix ans. Les adolescents travaillent dans les puits, descendant avec des lampes électriques autour du cou pour piocher la roche. Selon Lancei Condé, administrateur régional de Kankan, il y a des enfants dans toutes les mines artisanales de Guinée. Une armée d’acheteurs opère dans les mines guinéennes, la plupart travaillant pour l’un des trois gros commerçants locaux, Abdoulaye Nabe, El Haj Oumar Berete, et les frères Kante, Sakia et Sekouba, installés à Siguiri, Kankan et Kouroussa. Ces commerçants ont expliqué à Associated Press vendre une partie de leur minerai à Conakry, la capitale, mais surtout à Abou Ba, à Bamako. Ils disent préférer faire affaire avec lui, car il paye rubis sur l’ongle et en dollars. Sakia Kante montre un reçu d’Abou Ba, daté du 5 avril 2008, pour 7544 grammes d’or, pour lesquels il a été payé près de 200000 dollars.